Pour l’ensemble des entrepreneurs, quel que soit le secteur d’activité, déterminer ses tarifs et calculer son prix de vente est un sujet qui fait peur. Certains le vivent dans la douleur, alors que d’autres vont jusqu’à faire l’autruche, avec l’idée que « j’essaie comme ça… et l’on verra plus tard ».
Sauf que plus tard, c’est souvent déjà trop tard !
Pourtant, il existe quelques pistes qui peuvent réellement aider les entrepreneurs dans leur quête du tarif parfait. Et non, se renseigner sur les prix pratiqués par la concurrence n’est pas un sujet tabou. C’est même souvent la base… à condition de ne pas s’arrêter là. (D’ailleurs, cela touche l’autre sujet : le marché).
Parce que je suis sympa et que je souhaite rendre la suite de cet article aussi claire que possible, on va prendre l’exemple fictif d’Arthur. Arthur est photographe depuis toujours, il est né avec un appareil photo à la main (c’est sa maman qui le dit à qui veut l’entendre) et aujourd’hui, après un burnout dans son ancien job, il a pris la décision de vivre de sa passion.
Il a donc investi dans du matériel photo, dans des formations, et il a même fait imprimer de jolies cartes de visite. Bref, Arthur est prêt.
Ou plutôt… Arthur croit qu’il est prêt.
Avant de commencer son activité, Arthur se demande si un plan financier est important. Après tout, il n’a pas besoin de crédit bancaire. Du moins, pas pour l’instant. Un souci en moins.
Sauf que s’il ne “perd pas de temps” à réaliser un minimum de planification, il se retrouve bien vite à chercher comment fixer ses tarifs. Et là, la magie s’opère: il va soit se sous-payer, soit se griller, soit finir par détester ce qu’il était censé aimer.
Comment Arthur doit-il procéder pour calculer son prix de vente?
En réalité, il existe plusieurs façons de définir ses tarifs. Certaines méthodes sont rigoureuses, d’autres… plus aléatoires. Le choix le plus pertinent se fera sur base de critères personnels.
Mais une chose est sûre: ton prix n’est pas une opinion. C’est une stratégie.
Voici 3 pistes (et une petite bonus) pour parvenir à un prix de vente selon ton activité :
- Définir un prix de vente selon le coût (la base, le filet de sécurité).
- Définir un prix de vente selon la concurrence (la réalité du terrain).
- Définir un prix de vente selon la valeur ajoutée (l’impact pour le client).
- Bonus : le pricing échelonné (Good / Better / Best) pour vendre mieux, sans vendre plus.
1. Définir un prix de vente selon le coût
Je commence par celle-ci, parce que c’est simple : si tu ne connais pas ton coût, tu fais du pricing au feeling. Et le feeling, c’est très bien pour choisir une glace… moins pour payer tes charges.
La logique est la suivante :
- Tu dois connaître ton prix plancher.
- Tu dois savoir ce que tu veux te verser.
- Tu dois intégrer tes charges.
- Et surtout, tu dois être lucide sur le nombre d’heures réellement facturables.
1.1. Charges : additionne tout ce que ton activité te coûte
Arthur doit commencer par lister ses charges mensuelles. Et là, on ne parle pas uniquement des “grosses” charges visibles.
Frais fixes (ils tombent même si tu ne vends rien)
- Loyer (si applicable)
- Assurances
- Logiciels (Lightroom, suite, abonnement cloud, etc.)
- Téléphone, internet
- Comptable
- Site web, outils, abonnements
- Tu devines le reste
Frais variables (ils changent selon les projets)
- Déplacements (essence, parking)
- Sous-traitance (retouche, assistant)
- Tirages, albums, livraisons
- Matériel spécifique lié à une commande
Et tant qu’on y est, on ajoute un truc que beaucoup oublient : l’amortissement.
Le matériel photo, ce n’est pas une décoration. Ça s’use, ça casse, ça se remplace. Donc oui, Arthur doit provisionner une partie de ses investissements.
1.2. Heures : calculer le nombre d’heures réellement facturables
C’est ici que beaucoup se racontent de jolies histoires.
Arthur ne va pas facturer 160 heures par mois. Il va :
- Répondre à des mails
- Faire des devis
- Prospecter
- Venir aux événements BeWe
- Gérer l’administratif
- Créer du contenu (oui, même quand ça l’énerve)
- Retoucher plus que prévu
- Gérer les “petites demandes rapides” (spoiler: elles ne sont jamais rapides)
Donc il doit estimer le nombre d’heures facturables, pas le nombre d’heures travaillées.
1.3. Rémunération : définir ce que tu veux réellement gagner
Ici, j’évite le mot “CA” parce que ça crée une confusion.
Arthur doit définir sa rémunération personnelle cible (ce qu’il veut se verser), puis tenir compte, selon son statut, des cotisations/impôts estimés.
Et si Arthur ne veut pas rentrer dans un calcul trop technique, il peut ajouter un coussin (par exemple 10% à 20%) pour couvrir l’imprévu, la fiscalité, les périodes creuses, les impayés… bref, la vraie vie.
1.4. La formule (version simple mais réaliste)
Taux horaire cible = (Rémunération personnelle cible + Charges + Marge + Coussin) / Heures facturables
Pourquoi “marge”?
Parce que survivre n’est pas un business model.
La marge sert à investir, respirer, se former, améliorer son service, et ne pas être en panique dès qu’un mois est plus calme.
Pourquoi “coussin”?
Parce que l’imprévu existe. Et que “ça ira” n’a jamais payé une facture.
Avantages
- Méthode fiable.
- Te donne un plancher clair.
- Évite de bosser pour une tape sur l’épaule.
Inconvénients
- Cette méthode pousse facilement à vendre du temps, pas un résultat.
- Elle ne tient pas toujours compte de la valeur réelle pour le client.
- Si tes charges sont trop hautes ou tes heures facturables trop faibles, ton prix peut sortir “hors marché”.
Astuce
Utilise un tableau pour bien répertorier et additionner l’ensemble des charges. Et sois honnête sur tes heures facturables. L’honnêteté, c’est douloureux, mais rentable.
2. Définir un prix de vente selon la concurrence
Comme pour Arthur, il y a de fortes chances que le type d’activité que tu veux démarrer existe déjà sur le marché. Ce n’est pas un souci, c’est même plutôt rassurant. Cela prouve qu’il y a une demande et qu’il n’appartient qu’à toi de réussir à te démarquer.
Ne sachant pas vraiment par où commencer, tu décides de regarder du côté de tes concurrents pour “avoir une idée”.
Et tu as raison… tant que tu comprends une toute petite chose importante :
La concurrence ne fixe pas ton prix. Elle donne le ton.
2.1. Comment se positionner?
Arthur regarde les tarifs de ses concurrents directs et choisit comment se positionner :
A. Vendre moins cher
Rapide pour attirer. Encore plus rapide pour s’épuiser.
B. Vendre plus cher
Possible, mais uniquement si l’expérience, la preuve et la valeur suivent. Sinon tu n’es pas “premium”, tu es juste “cher”.
C. Vendre dans la moyenne
Souvent confortable. Parfois dangereux si tes coûts ne suivent pas.
2.2. Le vrai bon usage de cette méthode
Le but n’est pas de copier un prix.
Le but est de comprendre la fourchette et surtout les segments. Tu sais les fameux :
- Entrée de gamme
- Milieu de gamme
- Haut de gamme
Puis tu regardes ce que les autres incluent :
- Durée
- Nombre de photos
- Retouche
- Livraison
- Délais
- Options
- Expérience client
C’est là que tu construis ton positionnement.
Avantages
- Simple pour commencer.
- Rapide à mettre en place.
- Donne une fourchette de référence.
Inconvénients
- Si tu copies sans comprendre, tu te tires une balle dans le pied.
- Tu peux être “dans la moyenne” et pourtant perdre de l’argent.
- Tu peux être “moins cher” et tirer tout ton marché vers le bas (y compris toi).
Astuce
Si tu définis ton prix de vente selon la concurrence, vise le haut du panier… mais seulement si tu peux le justifier (preuve, expérience, différenciation, rareté, résultat).
3. Définir un prix de vente selon la valeur ajoutée
Voici une méthode intéressante, et à contre-courant de ce que l’on a l’habitude d’appliquer.
Pour résumer l’idée (reste attentif, tu risques d’aimer) tu calcules tes tarifs en fonction de ce que le client va en retirer, et non en fonction de ce que cela va te coûter.
Autrement dit, tu tarifies en fonction de la valeur ajoutée que ton client se représente de ton produit / service !
Et non, ce n’est pas réservé aux “marques premium”. C’est surtout réservé aux entrepreneurs qui comprennent que vendre du temps, c’est vite plafonné.
3.1. Exemple simple : valeur financière
Ton client te demande une offre de prix comparative. Après étude du dossier, tu peux affirmer que ton travail lui permettra d’économiser (ou de gagner) un montant défini.
De ce montant, tu choisis un pourcentage qui te revient et tu l’appliques.
C’est le même principe des commissions perçues par certains professionnels, notamment au sein de l’immobilier ✅
3.2. Valeur immatérielle : temps, confort, tranquillité
Évidemment, cette méthode fonctionne plus facilement pour un gain financier estimable, comme l’exemple de l’agent immobilier.
Mais elle fonctionne également sur une plus-value immatérielle :
- Du temps gagné
- Du stress évité
- Une expérience mémorable
- Une image professionnelle plus forte
- Une satisfaction personnelle
Ce sera légèrement plus compliqué à quantifier, mais pas impossible…
3.3. Les 3 questions qui rendent cette méthode praticable
Arthur (ou toi) doit être capable de répondre à :
- Qu’est-ce que ça change concrètement pour le client?
- Quelle preuve j’ai que je peux livrer ce résultat?
- Quel risque je retire au client? (process, garanties, clarté, conditions)
Avantages
- Possibilité de chiffre d’affaires supérieur.
- Tu vends un résultat, pas tes heures.
- Réelle autonomie financière.
Inconvénients
- Difficile à mettre en place au début (il faut des preuves, un positionnement, une offre claire).
- Si tu es trop déconnecté du marché sans pouvoir le justifier, tu vas te prendre un mur.
Astuce
Pourquoi ne pas chercher la fusion parfaite entre fixer son prix selon la concurrence (fourchette & segments) et en fonction de la valeur ajoutée (impact & justification)… tout en gardant ton coût comme plancher?
C’est là que tu commences à jouer intelligemment.
4. Bonus : le pricing psychologique et échelonné (Good / Better / Best)
Parce qu’un prix unique, c’est pratique. Mais trois offres bien pensées, c’est souvent beaucoup plus rentable.
Le principe :
- Proposer 3 offres (Basique, Standard, Premium)
- Structurer ce qui change vraiment d’une offre à l’autre
- Utiliser l’offre Premium comme ancrage (elle rend les autres “raisonnables”) 👉 voir l’article sur les biais cognitifs.
4.1. Pourquoi ça marche?
Parce que ton client ne compare plus “acheter ou ne pas acheter”.
Il compare “quelle offre je prends”. Et ça, c’est une énorme différence !
4.2. Et les prix bizarres (97€ au lieu de 100€)?
Ça peut fonctionner, surtout en B2C et sur des petits montants. Mais sur des prestations plus haut de gamme ou en B2B, un prix rond et assumé peut être plus cohérent avec l’image.
Donc ce n’est pas une règle magique. C’est un outil, à utiliser intelligemment.
Pour conclure : trouve le bon équilibre (sans te raconter d’histoires)
Tout comme Arthur, tu dois trouver le bon équilibre. Proposer des prix trop bas et c’est toute ta nouvelle activité que tu mets en péril. Et à force d’utiliser cette stratégie marketing bancale par un grand nombre d’entrepreneurs, c’est l’ensemble du marché qui est tiré vers le bas. Après avoir habitué tes clients à des tarifs intenables en termes de rentabilité, bonne chance pour arriver à leur faire comprendre qu’ils vont devoir payer plus cher demain.
Proposer un prix trop haut n’est pas une mauvaise idée. Mais pas nécessairement une bonne non plus. Encore une fois, cela va dépendre de ce que tu proposes et de comment tu le proposes. Mais, attention à ne pas me faire dire ce que je n’ai pas dit : non, taper dans les prix hauts n’est pas LA solution.
La méthode hybride (celle qui évite les drames)
- Coût : fixe ton prix minimum viable (ton plancher).
- Marché : donne la fourchette et les segments (la réalité).
- Valeur : justifie ton prix cible (et ta marge).
Et ensuite, tu packages, tu testes, tu ajustes.
Parce que non, le “bon prix” n’existe pas. Mais le prix viable, justifié et assumé… lui, oui 👍
Et si tout comme Arthur, tu veux vraiment vivre de ta passion, tu ferais bien de commencer par là.
